...Pour revenir à Eric Muller, qui était mon ami (j'ai rédigé pour lui la version française de Libre Intégral...): franchement, et pour en avoir beaucoup parlé avec lui, je pense que l'accident de Pau (gouverne de profondeur bloquée à cause de la rupture d'un élément du bâti supportant dans le poste de pilotage les renvois de profondeur et de flaperons), je ne crois pas que beaucoup d'autres pilotes se seraient sortis de ce cauchemar avec autant d'efficacité. Eric affirmait que ce qui lui a sauvé la vie est le souvenir, revenu en un éclair, d'un problème similaire survenu à Neil Williams, immense pilote anglais mort lors du convoyage d'un He 111 espagnol vers l'Angleterre. Neil, à bord d'un Zlin 726, avait lors d'un déclenché senti une aile (la droite, je crois) s'effacer, impression aussitôt confirmée d'un coup d'oeil. La fixation inférieure de cette demi-voilure avait cédé, et l'aile se refermait sur lui. Par réflexe, il avait poussé trés fort, et avec un grand bang l'aile était revenue en position. Il s'était donc stabilisé en vol dos, et avait pris le temps de réfléchir. N'ayant pas de parachute (...), il ne pouvait évacuer l'avion. D'où, aprés cogitation, la décision de revenir au terrain sur le dos, d'effectuer une approche dos longue et plate à faible badin, et de tenter un demi-déclenché du bon côté s'achevant par un gros plat-ventre, train évidemment rentré et volets aussi.
Ca avait merveilleusement marché, et Neil, vivant mais un peu ébranlé quand même, était entré dans un niveau supérieur de la légende (il était déjà champion du monde).
Eric avait lu le bouquin merveilleux écrit par Neil ("Aerobatics"), et comme toute la congrégation des voltigeurs d'alors avait largement commenté l'exploit, cette "procédure" en cas de rupture partielle de voilure était entrée dans les tiroirs marqués "en cas de..."
Eric, et c'est en ce sens que je reviens à ma définition du pilote suisse, était un homme infiniment méthodique. Architecte de profession, militant acharné d'une écologie bien pensée, il ne disait ni ne faisait jamais rien sans en avoir pesé les implications. Sa vision de la voltige reposait d'abord sur la cogitation, et ensuite sur la mise en pratique. Il avait ainsi (voir Libre Intégral) beaucoup travaillé sur la vrille, et l'importance de la configuration des empennages et des gouvernes de direction et de profondeur sur la capacité d'un avion à sortir plus ou moins bien de vrille.
L'accident de Neil l'avait conduit à se pose la question: si ça m'arrive, je fais quoi? A mon humble avis, c'est le fait de se poser ce genre de question qui fait tôt ou tard la différence entre un pilote trés abîmé et un pilote qui peut encore servir. Nous sommes quelques-uns capables de témoigner sur ce thème...
Et bien sûr, le bâti supportant la tringlerie de profondeur de l'Acrostar d'Eric lui donna l'occasion de piocher dans le tiroir aux questions chaudes, ce jour-là, à Pau.
Il venait de débuter sa présentation de la manière habituelle (une trentaine de tours de vrille, le ramenant relativement bas), et durant la descente il ressentit un à-coup dans le manche. Il essaya aussitôt de sortir de vrille, et se fit une idée assez juste de la situation en quelques secondes. Il pensa alors à Neil, et sans trés bien savoir comment effectua une sortie dos.
L'ennui, c'est que sa vrille de début de présentation s'effectuait moteur coupé, hélice calée... Il essaya de redémarrer le Franklin six cylindres (un moteur pas inoubliable), et aprés deux tentatives décida qu'il lui fallait, pour survivre, rejouer Neil Williams en beaucoup plus osé.
Il fit donc une approche dos vers la piste en herbe, laissa la vitesse décroître tout en amenant l'avion au ras du gazon, et tenta un demi-déclenché avec ce qui lui restait comme énergie. Ca passa bien, mais l'avion s'aplatit avec violence, effaçant le train et brisant la cellule.
Eric se retrouva à l'hopital, ayant selon sa propre expression "mangé un gros sandwich de tableau de bord", arcade sourcillière enfoncée, multiples coupures et contusions...
Voilà l'histoire... Mais Eric en aligna quelques autres!
Maintenant, quand à la remarque concernant les banques suisses, elle me fait penser à ce qu'on lit ces temps-ci sur certains journaux ou sites anglais et américains concernant les français (allez voir par exemple
www.fuckfrance.com, ou
www.vetolafrance.com). Je ne crois pas que l'usage des caricatures faciles amène quoi que ce soit dans le domaine du respect. Je connais même d'excellents pilotes de milice suisses qui travaillent dans des banques, et à la différence des nôtres, les banques suisses payent à tous leurs clients des interêts sur leurs comptes créditeurs...
Allez, à plus!
BC